Un texte extrait du livre de Jean Mercier, Célibat des prêtres : la discipline de l'Eglise doit-elle changer ?, paru aux éditions DDB en 2014 (pages 334-335) :
"Il vaut la peine de s'interroger sur la réalité de la pénurie
des prêtres. Certes, les prêtres sont à la limite du burn out. Mais ils sont
surtout débordés par des tâches organisationnelles et administratives, et non
spécifiquement sacerdotales. L'enjeu bien plus vaste est celui d’une phase de
mutation des communautés chrétiennes, une phase très périlleuse, car, d'ici une
quinzaine d'années, le nombre de prêtres en activité va chuter de manière
spectaculaire, pour atteindre environ trois mille en France. Dans certains
diocèses ruraux, seuls une dizaine de prêtres feront tourner la boutique, dans
des conditions extrêmement acrobatiques, notamment pour leur équilibre ou leur
santé physique. La situation est analogue dans de nombreux pays d'Europe.
Beaucoup de chrétiens n'ont pas encore pris la mesure de ce qui va arriver et
imaginent que l’Eglise peut continuer à leur offrir une sorte de service public
du religieux - qui fonctionne encore dans certains endroits - sans qu’ils aient
à s’engager de manière concrète, ni à travers leurs dons financiers, ni en
partageant leurs talents. Leur participation à l'eucharistie est trop souvent
la variable d'ajustement dans l'emploi du temps du week-end, comme l'est aussi
le temps réservé à la prière et à l'étude de la Bible.
Mais l’Eglise est vouée
à se convertir ou à disparaître. Parce qu'il sera sans doute de plus en plus
difficile d'être chrétien dans une société dont les options s'éloigneront de
l'Evangile, les catholiques seront confrontés à la vérité de leur relation à la
personne du Christ, et du soin qu'ils mettent à entretenir cette relation par
la prière et la fréquentation des sacrements. Selon cette réalité, leur manière
de vivre la foi se rapprochera de l'engagement coûteux et militant des Eglises
évangéliques. Ils prendront alors conscience que ce n'est pas au prêtre de
venir à eux, de s'adapter à leurs besoins, mais qu'il leur faudra faire un
effort. Pour recevoir le corps du Christ, par exemple. Ceci n'est pas facile à
accepter car la communion a été banalisée depuis une quarantaine d'années.
Cette nouvelle donne pourrait générer une nouvelle conscience et une nouvelle
confiance parmi les catholiques : celle qu'ils doivent encourager la vocation
au sacerdoce parmi leurs fils, dans leurs paroisses et leurs écoles ou
universités catholiques. Autrement, rien ne changera. La question de fond est
que les parents doivent reprendre confiance dans le fait que le sacerdoce peut
être un chemin de bonheur pour leur fils".