9 avril 2014

Lingua latina non mortua est

L'abbé Jean de Léon, séminariste de 6e année et latiniste chevronné, nous parle de la pratique du latin au séminaire :

On dit souvent que le latin est une langue morte...

Mais il ne faut enterrer les morts qu’une fois leur décès dûment constaté ! Or, comment considérer comme trépassée une langue qui est encore comprise, écrite, voire parlée par des milliers d’ecclésiastiques, humanistes, savants, etc... ? Le latin est encore aujourd’hui, comme l’énonce l’encyclique Veterum sapientia du Bienheureux Jean XXIII, « la langue vivante de l’Eglise ». 
On doit reconnaître toutefois, hélas, que ces dernières années l’usage ancien et ininterrompu de la langue latine est presque tombé en désuétude partout, et même dans l’Eglise.


Il n’est pas anodin que l’Eglise ait toujours veillé à maintenir le latin comme langue du culte catholique (dans l’Eglise latine), comme expression de l’exercice du Magistère, et comme moyen de communication des ministres ecclésiastiques entre eux ou avec le Saint Siège : « Ce n'est pas sans une disposition de la providence divine que cette langue, qui pendant de nombreux siècles avait réuni une vaste fédération de peuples sous l'autorité de l'Empire romain, est devenue la langue propre du Siège apostolique et que, transmise à la postérité, elle a constitué un étroit lien d'unité entre les peuples chrétiens d'Europe » (Bx Jean XXIII).

Le latin est en effet un instrument de communication particulièrement adapté à la nature universelle de l’Eglise, car il « ne suscite pas de jalousies, il est impartial envers toutes les nations, il n'est le privilège d'aucune, il est accepté par toutes tel un ami ». Et nous pouvons vérifier cela à Wigratzbad, où des candidats des nationalités et cultures très différentes découvrent rapidement que l’usage de la langue de notre Mère, l’Eglise, produit efficacement un étroit lien d’unité entre séminaristes. 

C’est pour cette raison que la plupart des informations qui concernent toute la communauté, c’est-à-dire tant les francophones que les germanophones, sont rédigées en latin. 


Qu’il s’agisse des horaires d’ouverture de la bibliothèque...


... ou d’humbles services de nettoyage à la lingerie...


Ce « splendide vêtement de la doctrine céleste et des saintes lois » a toujours été l’instrument du Magistère catholique car « la langue de l'Eglise doit non seulement être universelle, mais immuable. Si en effet les vérités de l'Eglise catholique étaient confiées à certaines ou à plusieurs des langues modernes changeantes dont aucune ne fait davantage autorité que les autres, il résulterait certainement d'une telle variété que le sens de ces vérités ne serait ni suffisamment clair ni suffisamment précis pour tout le monde ». Le latin est donc comme une « porte qui permet à tous d’accéder directement aux vérités chrétiennes transmises depuis les temps anciens et aux documents de l‘enseignement de l’Eglise ».

C’est bien pour garder « ce lien qui nous unit avec l’Eglise d’hier et de demain » que notre Ratio studiorum (répartition des études) consacre plus de 260 heures de cours à l’étude du latin.

Mais parmi les preuves irréfutables de la survivance de la langue latine, au moins dans notre séminaire, deux méritent d’être mentionnées : 

- Il s’agit en premier chef de l’annuelle Disputatio in honorem Divi Thomae, un exercice scholastique dans lequel deux groupes de séminaristes doivent trouver une solution rationnelle à une question disputée, suivant les règles de la logique classique et en s’exprimant exclusivement en latin. Cette année le sujet débattu a été : Utrum reaedificatio templi hierosolymitani interpretari possit ut signum escathologicum. (cf notre billet du 8 mars).

- L’autre c’est notre Mensa latina : une table est réservée chaque samedi soir aux séminaristes désireux de perfectionner leur latin parlé. 
 

Même les ordinateurs, symboles de la modernité, voient traduire en latin les termes informatiques, comme par exemple “Corbeille” ou “Fichiers temporaires”. C’est normal : LINGUA LATINA NON MORTUA EST !